Les centres de traitement sont entourés de hauts murs et de caméras de sécurité

Shëngjin (Albanie) (AFP) - Un navire transportant des migrants interceptés dans les eaux italiennes a accosté mercredi en Albanie, près d'un an après que Rome et Tirana ont conclu un accord controversé pour traiter les demandes d'asile tentant de rejoindre l'Europe.

Seize hommes originaires du Bangladesh et d'Egypte ont débarqué d'un navire de la marine italienne au port de Shengjin peu avant 10h00 (08h00 GMT), ont constaté des journalistes de l'AFP.

Les hommes ont été escortés par petits groupes vers les portes du centre, à quelques mètres du navire, qui a quitté le port à midi.

Amnesty International a qualifié ces centres d’« expérience cruelle (qui) fait tache sur le gouvernement italien ».

L'Italie va gérer deux centres pour migrants en Albanie, entourés de hauts murs et de caméras de sécurité, l'un à Shengjin et l'autre à Gjader, à 20 kilomètres du port.

Les centres seront gérés conformément au droit italien, avec un personnel et une sécurité italiens, et des juges entendront les affaires par vidéo depuis Rome.

Plus de 300 militaires, médecins et juges italiens sont impliqués dans l'opération, selon des diplomates italiens.

Après avoir débarqué à Shengjin, les migrants seront enregistrés et subiront des contrôles de santé avant d'être transférés au centre de Gjader.

Ils y seront hébergés dans des maisons préfabriquées d'environ 12 mètres carrés et attendront le traitement de leur demande d'asile.

Des cellules ont été installées sur place pour les demandeurs d'asile refusés.

- « Le rêve européen s’arrête ici » -

Mercredi, plusieurs militants des droits civiques se sont rassemblés près du centre de Shengjin, portant une grande banderole sur laquelle était écrit en anglais : « Le rêve européen s'arrête ici ».

Ils brandissaient également des photos du Premier ministre italien Giorgia Meloni et de son homologue albanais Edi Rama, déguisés en policiers.

Les groupes de défense des droits de l’homme se demandent si la protection des demandeurs d’asile sera suffisante et ont exprimé des doutes quant à la conformité de cette mesure avec le droit international.

Mais Meloni a balayé les critiques dans ses commentaires de mardi.

« C’est une voie nouvelle, courageuse, sans précédent, mais qui reflète parfaitement l’esprit européen et qui a tout ce qu’il faut pour être suivie également avec d’autres pays non membres de l’UE », a-t-elle déclaré.

L’accord entre les deux pays est une première européenne, que les autres dirigeants de la région suivent de près.

L'arrivée des migrants en Albanie intervient avant un sommet de l'Union européenne à Bruxelles cette semaine où la migration est à l'ordre du jour.

Dans une lettre adressée aux États membres avant les négociations, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a déclaré que le bloc « serait en mesure de tirer des leçons de cette expérience dans la pratique ».

Le projet a été conclu en novembre 2023 entre Meloni et Rama. Il devrait durer cinq ans et coûtera à l'Italie environ 160 millions d'euros (175 millions de dollars) par an.

Cet argent « aurait pu être utilisé pour la santé publique afin de réduire les listes d'attente, mais nous le jetons par les fenêtres pour expulser les migrants et bafouer leurs droits », a déclaré Elly Schlein, chef du Parti démocrate de centre-gauche italien, dans une interview au quotidien Corriere della Sera mercredi.

Les migrants interceptés dans les eaux italiennes et considérés comme les plus vulnérables – comme les femmes et les enfants – doivent être emmenés en Italie.

Les centres albanais auront une capacité d'accueil de 1 000 personnes dans un premier temps, pour atteindre 3 000 à terme.

Ses détracteurs affirment qu’au vu des chiffres tels que celui-ci, le projet ne peut être justifié.

« Au cours des trois derniers jours, plus de 1 600 migrants ont débarqué en Italie », a indiqué sur X Matteo Villa, chercheur en migration chez Datalab Europe. « Un navire de la marine italienne en emmène 16 vers l'Albanie. »

« Je ne pense pas avoir besoin d’ajouter quoi que ce soit d’autre. »