L'Iranien Bashir Biazar risque désormais d'être jugé pour torture plutôt que d'être expulsé de France

Paris (AFP) - Des militants ont annoncé jeudi qu'ils allaient porter plainte pour torture contre un citoyen iranien détenu en France et qui serait un ancien haut responsable de la télévision d'État de la république islamique.

Bashir Biazar est placé en détention administrative en France depuis le 3 juin dans l'attente de son expulsion du pays pour des motifs distincts, dans un contexte de relations tendues entre Paris et Téhéran.

Son avocat a dénoncé sa détention et son projet d'expulsion comme étant « politiques », tandis que les responsables iraniens ont condamné la France pour son arrestation et ont demandé sa libération.

Le groupe d'activistes Iran Justice et les victimes de violations des droits de l'homme ont déposé plainte contre Biazar à Paris. Si le tribunal décide de donner suite à cette affaire, il pourrait être maintenu en France pour y être jugé.

Il accuse Biazar de complicité de torture en raison de son travail passé avec le conglomérat de radiodiffusion d'État iranien IRIB, le décrivant comme un ancien directeur de production là-bas.

Les médias d’État iraniens l’ont décrit comme une « figure culturelle ».

La plainte fait référence aux diffusions régulières par la télévision publique iranienne de déclarations – et même d’entretiens – de prisonniers iraniens ou étrangers, que les militants considèrent comme des aveux forcés.

Il existe des "indications sérieuses" selon lesquelles Biazar aurait pu être "personnellement impliqué" dans l'enregistrement de telles émissions, a déclaré l'avocate Chirinne Ardakani.

La plainte lui reproche également d'avoir agi sur le sol français en tant qu'agent de la République islamique, cherchant à recueillir des informations sur des militants et des journalistes exilés et à les intimider.

Ardakani a déclaré que la plainte visait à bloquer son expulsion vers l'Iran afin que « tous les interrogatoires et enquêtes puissent être menés pour révéler la vérité ».

- 'Règle de loi' -

Biazar a été arrêté à Dijon, dans l'est du pays, et est désormais placé en détention administrative – une mesure prise en prévision d'une éventuelle expulsion – dans la ville de Metz, plus au nord.

A Paris, une source policière sous couvert d'anonymat a indiqué à l'AFP qu'une "procédure d'expulsion" avait été engagée contre Biazar "notamment parce qu'il avait tenu publiquement des propos anti-français", sans en préciser la nature.

Biazar a été actif ces derniers mois sur les réseaux sociaux, faisant des remarques en faveur des Palestiniens dans le contexte de la guerre entre Israël et le groupe militant Hamas à Gaza.

"Rien, en termes de droit, ne justifie cette mesure", a déclaré à l'AFP son avocat français, Me Rachid Lemoudaa, en référence à la procédure d'expulsion.

"Bashir Biazar s'est exprimé sur son compte Instagram, comme chacun peut le faire librement dans un Etat de droit."

Son client, qui, selon lui, entendait entamer une grève de la faim, « fait l'objet d'un arrêté d'expulsion mais sa détention administrative a été prolongée de 28 jours le 6 juin.

"Je pense que cette procédure est politique et que la politique n'a pas sa place dans la loi", a ajouté Lemoudaa.

A Téhéran, le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Nasser Kanani, a déclaré au début du mois qu'il espérait la libération de Biazar « le plus tôt possible ».

Le ministère "continuera à prendre les mesures nécessaires jusqu'à ce que le résultat escompté soit atteint", a-t-il ajouté.

Et lundi, le président du Haut Conseil iranien des droits de l'homme, Kazem Gharibabadi, a également dénoncé sa détention.

"L'arrestation d'un citoyen iranien par la police française pour avoir défendu le peuple palestinien opprimé (est) un autre scandale pour la France dans le domaine des droits de l'homme", a-t-il posté sur X.

- "Otages de l'Etat" -

Le journal français Le Monde a déclaré que le décret d'expulsion émis par le ministère français de l'Intérieur accusait Biazar d'être un « agent d'influence iranien lié aux services de renseignement » iraniens. Son avocat a catégoriquement nié cette accusation.

Trois citoyens français, qualifiés par Paris d'« otages de l'État », sont actuellement emprisonnés en Iran.

Un quatrième détenu français, Louis Arnaud, détenu en Iran depuis septembre 2022, a été libéré brutalement la semaine dernière.

La Suède a libéré ce week-end Hamid Noury, un ancien responsable iranien qu'elle avait emprisonné pour les exécutions massives de dissidents en Iran en 1988, en échange de deux Suédois emprisonnés dans la république islamique.

L’échange a été vivement critiqué par les militants qui s’étaient battus pour que Noury ​​soit traduit en justice selon le principe de compétence universelle, ainsi que par la famille du citoyen suédois Ahmad Reza Jalali, qui risque la peine de mort en Iran et n’a pas été inclus dans l’accord.

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